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Entretien avec Christian Poiret, Président du Conseil départemental du Nord

  • Photo du rédacteur: Jean- Philippe  DELBONNEL
    Jean- Philippe DELBONNEL
  • il y a 2 jours
  • 8 min de lecture

Le Journal des Départements n°50 - Décembre 2025



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Vous êtes président du Département du Nord depuis 2021. Pouvez-vous revenir sur les grandes étapes de votre parcours et ce qui vous a conduit à prendre la tête de cette collectivité si singulière par sa taille et son histoire ?


C’est une fierté chaque jour d’être le président du plus grand département de France. Depuis mon entrée en politique, j’ai toujours été guidé par le même principe : rendre meilleure la vie des Nordistes. J’ai un parcours relativement singulier pour un président de Département, je suis issu du monde du privé, j’ai été maire d’un petit village de 1 600 habitants pendant plus de 25 ans. Je suis président de Douaisis Agglo depuis 2009.


Je n’ai jamais été carté et je ne le serai jamais. Je ne veux pas entrer dans ces appareils politiques. Je n’ai qu’une seule volonté, travailler pour les habitants. Je l’ai annoncé dès le jour de mon investiture par mes collègues : je veux être le président de tous les Nordistes. J’avais annoncé quatre axes, l’emploi, l’autonomie des personnes âgées et celle des personnes en situation de handicap, l’environnement et l’aide aux communes. Depuis, nous avons affiné notre action pour coller au plus près des besoins des habitants. Je vais chaque semaine à la rencontre des citoyens, des maires, des acteurs locaux parce que ce sont eux qui font le Nord. Mon directeur de cabinet me dit souvent, « le bureau, c’est une prison » : je porte une présidence de terrain !


Le Nord est le département le plus peuplé de France, mais aussi l’un de ceux qui concentrent les plus forts enjeux sociaux (RSA, protection de l’enfance, lutte contre la pauvreté). Comment le Conseil départemental agit-il face à ces défis d’ampleur nationale ?


Le Nord représente 2.6 millions d’habitants, une population jeune, dynamique, ambitieuse mais il présente aussi, dans certains bassins de vie, des indicateurs particulièrement inquiétants que nous surveillons de près. 


Des indicateurs de pauvreté, de violences intrafamiliales, de renoncement aux soins, de difficultés d’insertion sur lesquels nous travaillons quotidiennement. Si j’ai fait du retour à l’emploi et de l’insertion ma priorité de mandat, ce n’est pas un hasard. L’emploi, c’est du pouvoir d’achat, c’est l’insertion dans la société. Beaucoup de Nordistes sont susceptibles d’être remobilisés vers l’emploi, c’était le pari de base et nous ne nous sommes pas trompés. Depuis le début du mandat, près de 30 000 allocataires du RSA ont retrouvé soit une formation, soit un travail. Nous continuons nos efforts, avec nos maisons Nord emploi et notre partenariat avec France Travail pour aller encore plus loin. 


Je suis un président pragmatique : nous allons chercher les solutions au plus près, au plus simple. Nous avions des maisons de fonction vacantes dans les collèges du Nord, et en face, des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance que nous n’arrivions pas à protéger faute de places : le Nord, ce sont 22 000 enfants confiés à l’ASE dont 12 000 accueillis physiquement !


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Alors nous avons transformé ces logements en maisons d’enfants dans lesquelles nos partenaires de la protection de l’enfance encadrent les jeunes dans leur vie quotidienne. Aujourd’hui – et j’ai eu l’occasion de visiter la dernière maison, à Maubeuge, il y a quelques jours – ce sont 90 enfants répartis dans 15 maisons, principalement de jeunes fratries, qui y vivent comme à la maison accompagnés par des professionnels qui y trouvent des conditions de travail qui les satisfont. Mais cela me coûte très cher : j’ai besoin de l’engagement de l’Etat à nos côtés pour aller plus loin. Sans cela, nous devrons arrêter et ce n’est pas une option envisageable.


“Dans le Nord, nous avons la chance d’avoir des territoires incroyablement résilients avec une capacité remarquable à se transformer, à s’adapter.”

Accès aux soins, vieillissement, inclusion des personnes en situation de handicap : comment le Département du Nord travaille-t-il à garantir l’égalité d’accès aux services essentiels pour l’ensemble des habitants, des grandes villes aux territoires ruraux ?


Le Nord fait face, comme tout le territoire français, à une désertification médicale sur certains territoires qui impacte directement nos concitoyens. Quand il faut faire plus d’une demi-heure de route et attendre 4 mois pour un examen médical, je dis stop. Le bien-être des Nordistes est essentiel : on peut avoir tout ce qu’on souhaite dans la vie, si on n’a pas la santé, on n’a rien. Nous avons développé des maisons Nord santé sur le modèle de la Saône-et-Loire, d’ailleurs le Gouvernement s’en est également inspiré pour les maisons France santé qu’il a récemment annoncé. C’est un modèle qui permet d’offrir à la fois de nouveaux créneaux de consultation aux habitants et un cadre de travail recentré sur les soins aux professionnels de santé. Tout le reste est pris en charge.


Nous avons déjà ouvert 6 maisons et ça fonctionne : nous comptabilisons plus de 40 000 consultations en 18 mois ! Parallèlement, nous lançons un camion Nord santé qui propose le dépistage du cancer du sein, hélas prépondérant dans le Nord. Je suis convaincu que « l’aller vers » est la clef pour permettre aux Nordistes d’accéder aux services que nous, Département, sommes en mesure de leur proposer. Nous avons près de 100 relais-autonomie qui accompagnent en proximité les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et leurs aidants. Nous avons créé des bus France services qui sillonnent chaque arrondissement pour aider les habitants dans leurs démarches administratives, nous en sommes à 160 000 démarches réalisées ! Ça marche, vraiment.


Avec plus de 200 collèges, l’éducation et la jeunesse représentent un axe stratégique. Quelles sont vos priorités pour offrir aux jeunes Nordistes les meilleures conditions de 

réussite ?


Nous avons en effet 201 collèges publics mais aussi 80 collèges privés sur le territoire pour un total de plus de 136 000 collégiens. Comme je le dis souvent, les jeunes Nordistes d’aujourd’hui sont les citoyens de demain. C’est notre devoir de leur donner toutes les armes pour affronter les défis d’avenir et, au Département du Nord, nous avons choisi de miser sur eux. Alors certes, nous ne sommes pas en charge des programmes éducatifs, mais nous proposons des dispositifs volontaristes comme le projet éducatif départemental du collégien qui accompagne les projets pédagogiques en lien avec l’Education nationale ou encore le dispositif « le Nord, terre de mémoire vivante », qui propose des voyages mémoriels pour ne pas oublier et pour leur ouvrir des horizons apaisés et bienveillants. 


Nous avons également fait le choix de l’investissement : des collèges bien pensés pour que les enfants puissent apprendre dans les meilleures conditions possibles. Nos collèges sont confortables, nous en avons reconstruit et réhabilité plusieurs depuis le début du mandat, mais ils sont aussi des démonstrateurs de la transition écologique. Nous devons montrer l’exemple à nos enfants : respecter notre environnement pour leur assurer un avenir responsable. 


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Comment le Nord, fort de son patrimoine industriel et de sa position européenne, prépare-t-il son avenir en matière d’attractivité économique, d’innovation et de transition écologique ?


Dans le Nord, nous avons la chance d’avoir des territoires incroyablement résilients avec une capacité remarquable à se transformer, à s’adapter. Nous avons une histoire qui a, parfois, abîmé nos paysages et nos habitants. Nous faisons le pari de réparer car nous croyons en eux. Avec le pacte pour la Sambre-Avesnois-Thiérache, ou encore l’engagement pour le Renouveau du Bassin minier, des programmes qui mettent tous les acteurs publics autour de la table, nous investissons pour que chaque territoire puisse construire une identité propre, renouvelée sans pour autant renier ses racines. Dans l’Avesnois, nous avons investi 24 millions d’euros dans la réhabilitation énergétique de quatre collèges : c’est conséquent mais comme je l’ai dit plus tôt, nous y croyons. Je pense que les habitants le méritent et que nous avons raison d’être à leurs côtés.


Même si nos finances nous imposent une certaine sobriété, nous irons au bout de notre ambition et tout cela dans un esprit de développement durable et responsable. Le Nord est une terre d’avenir : nous saisissons chaque opportunité pour changer cette image poussiéreuse qui nous a trop longtemps collé à la peau. Le Nord aujourd’hui, c’est un grand départ de Tour de France qui a rassemblé le monde entier dans une gigantesque fête au pas de la porte des Nordistes. C’est le passage de la Flamme olympique, moment historique qui a ému chacun de nous. C’est le classement récent de nos dunes de Flandres comme Grand Site de France. C’est un planétarium unique en France, à la pointe de la technologie, un musée créé par Henri Matisse lui-même, un tourisme vert en plein essor… Tout cela, c’est un investissement à long terme pour que le Nord devienne l’endroit où s’installer, où entreprendre, où se projeter. Nous n’en sommes pas loin.


Si vous deviez résumer en une phrase la place que vous souhaitez donner au Nord dans la France et l’Europe de demain, quelle serait-elle ?


Je veux que le Nord soit le territoire où il fait bon vivre. Parce que quand on vit bien, on veut investir, personnellement et professionnellement. On veut créer de la richesse, de l’emploi, du loisir, des infrastructures industrielles, de santé, etc. Le bien-vivre est le socle qui permettra ce développement que nous espérons pour le Nord et notre travail, à nous élus de Départements, est de consolider ce socle avec nos politiques d’aménagement du territoire, de prévention et de santé, d’accompagnement de nos seniors et des personnes en situation de handicap, de réhabilitation de collèges, d’accès à l’emploi, de création de voirie, etc. Ça fait rire la presse quand je dis que je ne construis pas des routes pour voir passer les lapins, mais c’est vrai ! 


Quand on construit une route, c’est pour favoriser l’implantation industrielle et la création d’emplois, le développement de logements et de services publics. Les enjeux sont démultipliés dans le Nord mais nous avons un atout : les Nordistes. La convivialité, la solidarité, l’authenticité, la résilience et le courage de chacun des habitants nous engagent. Nous devons à la fois préserver cela, nos traditions, notre héritage, et transformer le territoire. Nous n’avons pas beaucoup de moyens financiers mais nous avons de l’imagination. C’est ensemble que nous y parviendrons et j’ai confiance en l’avenir de notre beau Département !


“Les D d’or sont importants, chaque projet ou initiative présenté met en lumière non seulement des innovations intéressantes pour chacun d’entre nous.”

 Vous accueillez cette année l’édition des D d’Or dans votre Département, pourquoi ?


Les D d’Or sont importants pour nos collectivités. Si nous avons tous nos spécificités, nous sommes finalement tous confrontés aux mêmes enjeux, pas forcément à des échelles similaires mais le fond reste comparable. Chaque projet ou initiative présenté met en lumière non seulement des innovations intéressantes pour chacun d’entre nous mais surtout, des résultats significatifs dans le temps. Et c’est là où la nécessité de travailler collectivement prend tout son sens : les maisons Nord santé de Saône-et-Loire sont duplicables dans le Nord, nos maisons Nord emploi peuvent l’être dans un autre Département. Nous nous sommes également inspirés de nos collègues pour améliorer nos dispositifs de protection de l’enfance, nous sommes en mesure de présenter la genèse de nos maisons d’enfants. Parce qu’il ne s’agit pas que d’un échange de bons procédés, il s’agit de la vie des gens : si un dispositif fonctionne dans un département et améliore de façon conséquente la vie ne serait-ce que de quelques personnes, cela vaut le coup de le dupliquer. C’est en cela que les D d’Or sont importants pour nous. Ils sont un temps d’échange, de présentation et de valorisation de ces initiatives positives et durables pour qu’elles puissent prendre de l’ampleur et profiter au plus grand nombre. Je suis très heureux de recevoir cette cérémonie en 2025 : au-delà des projets qui méritent, les D d’Or mettront le projecteur sur notre beau département, le plus grand de France !


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