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Actualités Juridiques

  • La rédaction
  • il y a 4 jours
  • 10 min de lecture

Par Mathilde Haas

Mathilde Haas - Avocat à la Cour www.mathildehaas.fr
Mathilde Haas - Avocat à la Cour www.mathildehaas.fr

Le juge administratif ne peut pas enjoindre au Gouvernement de prendre des mesures pour lutter contre les déserts médicaux


L’Union fédérale des consommateurs - Que Choisir demandait au Conseil d’État d’annuler la décision implicite par laquelle le Gouvernement avait rejeté sa demande tendant à ce que soient prises des mesures législatives contraignantes afin de remédier aux déserts médicaux et d’enjoindre au Gouvernement, sous astreinte, de prendre ces mesures.


Le Conseil d’État rappelle qu’il lui appartient d’apprécier si le refus de l’administration de prendre des mesures pour faire cesser une obligation légale lui incombant est entaché d’illégalité. En revanche, il ne peut, « se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire ». La requête a été rejetée.


CE, 1 octobre 2025, n°489511



Seul l’un des conjoints respectifs des parents d’une personne peut établir un lien de filiation adoptive


La requérante reprochait aux dispositions de l’article 345-2 du code civil relatives à l’adoption de faire obstacle « à l’adoption d’une personne par le conjoint de l’un de ses parents lorsque celle-ci a déjà été adoptée par le conjoint de son autre parent », ce qui instituerait notamment « une différence de traitement injustifiée entre les beaux-parents d’une même personne, dès lors que l’un des beaux-parents serait empêché de la faire bénéficier des conséquences familiales, sociales et patrimoniales d’une adoption, du fait de son adoption préalable par l’autre beau-parent ». Était également invoquée une atteinte disproportionnée « au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale » du fait de l’impossible reconnaissance juridique « des liens familiaux et affectifs établis entre un enfant et son beau-parent ».


Le Conseil constitutionnel reconnaît que les dispositions instituent « une différence de traitement entre les conjoints respectifs des parents d’une personne » dès lors que seul l’un d’entre eux peut établir un lien de filiation adoptive avec elle. Toutefois, il ressort de son analyse que « le législateur a entendu garantir à la personne adoptée une stabilité dans ses liens de parenté, compte tenu notamment des difficultés juridiques qui résulteraient de l’établissement de multiples liens de filiation adoptive » et que ce 

« motif d’intérêt général pouvait justifier une différence de traitement », qui « est en rapport avec l’objet de la loi. ».


Dès lors, le Conseil constitutionnel juge qu’il ne lui appartient pas 

« de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences qu’il convient de tirer, en matière de filiation adoptive, de la situation particulière des conjoints des parents d’une personne ».


Les dispositions contestées, « qui ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée, ni l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit » ont été déclarées conformes à la Constitution.


Conseil constitutionnel, décision n° 2025-1170 QPC du 9 octobre 2025


Le Conseil d’État rend public un avis consultatif sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales


Le Conseil d’État n’exerce pas qu’une activité contentieuse ! Il rend également des avis consultatifs sur des projets de loi. C’est ce qui l’a amené à se prononcer sur un projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales visant à améliorer la détection de la fraude ainsi qu’à adapter les moyens de lutte aux nouvelles formes pour renforcer les sanctions.


Dans cet avis, le Conseil d’État relève que « le projet de loi ne contient pas de réforme d’ampleur des outils de lutte contre les fraudes sociales et fiscales, mais rassemble diverses dispositions visant à améliorer, par des modifications ciblées de procédures et mécanismes existants, l’efficacité des contrôles, des sanctions et des procédures de recouvrement des créances ». Il propose quelques modifications, notamment de circonscrire la dérogation au secret de l’enquête et de l’instruction prévue par le projet de loi permettant aux agents des douanes et des services fiscaux chargés des enquêtes judiciaires de communiquer à leurs collègues chargés d’une mission de contrôle les informations susceptibles d’être utiles à son exercice.


D’autres dispositions du projet de loi appellent des observations du Conseil d’État. Il s’agit de celles « visant à autoriser France Travail à opérer des saisies administratives à tiers détenteur » ou lui permettant « de retenir la totalité des versements à venir d’allocations-chômage en cas d’indus engendrés par un manquement délibéré ou des manœuvres frauduleuses », ou encore de dispositions relatives à « la création d’un nouveau régime de sanctions administratives à l’encontre des organismes de formation professionnelle ».


Avis consultatif sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales délibéré et adopté par l’Assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 11 septembre 2025


Prise en compte de l’autorisation de prolonger son activité au-delà de la limite d’âge, même intervenue postérieurement à cette limite d’âge


A l’occasion d’un contentieux relatif au calcul d’une pension de retraite, le Conseil d’État a jugé que pour l’application de « l’article 1-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984, désormais codifié à l’article L. 556-5 du code général de la fonction publique », relatif à la prolongation d’activité au-delà de l’âge limite, il incombe à l’autorité chargée de la liquidation des droits à pension « de tirer les conséquences légales d’une décision, même illégale, relative à sa carrière, tant que cette décision n’a pas été annulée ou retirée, à moins qu’elle ne revête le caractère d’un acte inexistant, d’une reconstitution de carrière fictive intervenue à titre purement gracieux ou qu’elle ait pour effet de maintenir un fonctionnaire en prolongation d’activité au-delà de la durée des services ».


Pour autant, selon le Conseil d’État, « la circonstance qu’une autorisation de prolonger son activité au-delà de la limite d’âge, demandée par un agent avant la survenance de celle-ci, serait intervenue postérieurement à cette limite d’âge, ne saurait, par elle-même, justifier qu’il ne soit pas tenu compte de cette prolongation dans le calcul des droits à pension par l’autorité chargée de les liquider ».


Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17 octobre 2025, n°497247


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Le Conseil d’État rend public un avis consultatif sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales


Un sapeur-pompier professionnel demandait l’annulation de l’arrêté par lequel le président du conseil d’administration de son SDIS a mis un terme à la concession de logement à titre gratuit pour nécessité absolue de service dont il bénéficiait depuis 1989. La concession avait dans un premier temps été renouvelée alors que les sapeurs-pompiers professionnels avaient été transférés au SDIS. 

Selon le requérant, son logement constituait un avantage en nature en matière de rémunération acquis qu’il était en droit de conserver en application de l’article L1424-41 du code général des collectivités territoriales et de la convention de transfert du personnel communal.


La Cour administrative d’appel n’est pas de cet avis. Elle estime 

« qu’un sapeur-pompier professionnel ne peut se voir attribuer un logement pour nécessité absolue de service qu’à la condition qu’il occupe un emploi dont le conseil d’administration du SDIS a prévu par une délibération qu’il ouvrait droit à un tel logement, en raison des contraintes attachées à cet emploi ». Elle en déduit que « la concession d’un logement pour nécessité absolue de service est attachée à l’emploi occupé par l’agent et non à sa personne, ce qui fait obstacle, comme l’ont estimé sans erreur d’appréciation les premiers juges, à ce qu’elle soit regardée comme un avantage individuellement acquis ».


CAA Nantes, 6e ch., 30 septembre 2025, n° 24NT02109


Injonction, sous astreinte, pour un maire de recouvrer les indemnités illégalement perçues par des élus : quand la défense motive la décision défavorable de la Cour


La Cour administrative de Nantes était saisie de l’exécution de son arrêt n° 23NT02860 du 16 février 2024 enjoignant au maire de Cholet, dans un délai de trois mois, de justifier que le titre de recette émis d’un montant de 443 779,96 euros n’est « pas inférieur à celui des indemnités de fonction versées aux adjoints au maire et conseillers municipaux délégués, en application de la délibération annulée qui fixait les indemnités de fonctions des élus ».


Selon les requérants, la somme totale des indemnités des élus à recouvrer serait d’un montant bien supérieur au titre de recettes émis, évoquant une somme de 720 461,72 euros.

Pour juger que la commune n’a pas entièrement exécuté l’arrêt, la Cour se fonde sur les écritures en défense de la commune elle-même qui rappelle que, compte-tenu des recours présentés contre les titres de recette émis, la force exécutoire de ces derniers a été automatiquement suspendue et ne lui permet, dès lors, pas de justifier du recouvrement effectif des sommes litigieuses.


La Cour enjoint, ainsi, une nouvelle fois, au maire de Cholet de procéder au recouvrement effectif des sommes « devant être remboursées par les adjoints au maire et conseillers municipaux délégués […] et de justifier de ce recouvrement effectif », dans un délai de deux mois, sous astreinte de 750 euros par jour de retard passé ce délai.


CAA de Nantes, 4ème chambre, 26 septembre 2025, n°24NT02377


Retraite d’office pour invalidité : la méconnaissance du délai de 10 jours pour consulter son dossier soumis à la commission de réforme prive l’agent d’une garantie


Un agent avait été mis à la retraite d’office pour invalidité. Le tribunal administratif avait annulé cet arrêté et enjoint à la communauté de communes de réintégrer l’agent dans son cadre d’emplois et de reconstituer sa carrière. Sur pourvoi en cassation de la communauté de communes contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui avait rejeté l’appel formé contre le jugement, le Conseil d’État rappelle, sans surprise, que le délai de dix jours mentionné par l’arrêté relatif aux commissions de réforme des agents de la FPT et de la FPH « constitue, pour l'agent concerné, une garantie visant à lui permettre de préparer utilement son intervention devant la commission de réforme et, par suite, à assurer le caractère contradictoire de la procédure. Par conséquent, la méconnaissance de ce délai a pour effet de vicier la consultation de cette commission ».


Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 26 septembre 2025, n°488244


L’administration n’est pas fondée à demander l’annulation d’un 

« contrat de rupture conventionnelle » illégal qui, au demeurant, relève du recours pour excès de pouvoir et non pas du contentieux contractuel


En 2011, la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise et le directeur du centre de formation des apprentis ont signé un document intitulé « séparation à l’amiable – rupture conventionnelle » prévoyant la fin de leur collaboration, la renonciation à tout recours et le versement de plus de 100 000 euros. Cet acte a été annulé par le tribunal administratif puis la Cour administrative d’appel a annulé le jugement.


Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État estime qu’eu « égard à la nature particulière des liens qui s'établissent entre une personne publique et ses agents publics, les contrats par lesquels il est procédé au recrutement de ces derniers sont au nombre des actes dont l'annulation peut être demandée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir. Il en va de même, en l'absence de disposition législative ou réglementaire contraire, de l'acte par lequel il est mis fin par l'administration aux fonctions d'un de ses agents, alors même que cet acte se présenterait comme un contrat signé par l'administration et son agent ».


Le Conseil d’État juge ainsi que la Cour administrative d’appel a méconnu son office en se considérant saisie d'un litige de plein contentieux contractuel.


De plus, sur le fond, le Conseil d’État rappelle qu’une « personne publique n'est pas recevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de prendre ». Or, « il était loisible à la chambre de métiers et de l'artisanat, si elle s'y estimait fondée, de retirer l'acte litigieux à raison de son illégalité ». Elle n’est, dès lors, « pas recevable à demander au tribunal administratif de Versailles l'annulation pour excès de pouvoir de l'acte contesté et n'était, par voie de conséquence, pas fondée à lui demander de condamner l'intéressé à lui rembourser l'indemnité versée ».


Le membre d’un jury d’examen n’a pas qualité pour demander l’annulation des décisions prises par le jury


Le tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir la délibération fixant la liste des candidats admis à l'examen professionnel de commandant de sapeurs-pompiers professionnels 

« et enjoint à l'administration de convoquer le jury pour qu'il délibère à nouveau et modifie en conséquence la liste des candidats admis ».


Un membre du jury d’examen ainsi qu’un syndicat se sont pourvus en cassation. Mais le Conseil d’État a rejeté leur pourvoi en jugeant que la Cour administrative d’appel n’avait pas inexactement qualifié les faits, ni commis d’erreur de droit en jugeant, d’une part, que le membre d’un jury ayant participé à ses délibérations ne justifiait pas

 « d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation » et d’autre part, que le syndicat « ne justifiait pas davantage, en tant que syndicat professionnel défendant les intérêts collectifs de ses membres, d'un intérêt pour demander l'annulation de décisions individuelles déclarant non admis des candidats à un examen professionnel ».


Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 26 septembre 2025, n°488401


La cessation d’activité rémunérée pendant un CITIS ne s’applique pas à un maire qui perçoit une indemnité 


Un fonctionnaire également maire, en congé pour invalidité temporaire imputable au service, demandait l’annulation de la décision suspendant le versement de sa rémunération ainsi que du titre de recettes émis pour le recouvrement d’un trop-perçu de rémunération. Son administration considérait, en effet, qu’il avait exercé une activité rémunérée dès lors qu’il avait été élu maire durant son CITIS et percevait, pour l’exercice de son mandat, des indemnités.


Après avoir rappelé que le « bénéficiaire d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service doit cesser toute activité rémunérée » et qu’en « en vertu de l'article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales, les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites, sans préjudice des dispositions qui prévoient notamment des indemnités de fonction », la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge qu’eu « égard au principe de gratuité des fonctions ainsi énoncé, les fonctions de maire ne peuvent pas être regardées comme des activités rémunérées ». Dès lors, le fait de percevoir des indemnités pour l’exercice de son mandat de maire, « ne saurait être regardé comme la rémunération d'une activité ».


La décision portant suspension du versement de sa rémunération et le titre de recettes émis ont été annulés. Il a également été enjoint à son administration de lui verser l'intégralité des traitements non perçus dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.


CAA de Bordeaux, 4ème chambre, 26 septembre 2025, n°23BX02345

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