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Chronique d’un étranglement budgétaire programmé : les départements en ligne de mire.

  • La rédaction
  • 21 juil.
  • 4 min de lecture

Opinions - finance


Rédigé par : Jean-Philippe Delbonnel, Président fondateur du Groupe Delbo Presse et de l’Institut Quorum avec la participation de William Chancerelle, rédacteur en chef du Journal des Départements.


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Le 27 juin dernier, la Cour des comptes a publié son rapport annuel sur les finances publiques locales, consacré à la situation des collectivités territoriales en 2024. Ce document, particulièrement attendu et reconnu pour la richesse de ses analyses, établit un constat sans appel : les départements sont aujourd’hui les collectivités les plus exposées à une dégradation structurelle de leur situation financière, malgré des efforts de gestion souvent reconnus.

Le rapport souligne que si la situation globale des collectivités demeure "solide", la dynamique financière des départements est en voie d’épuisement. Entre 2022 et 2024, leur épargne nette a été divisée par près de quatre, tandis que leur capacité d’autofinancement des investissements est passée de 86,9 % à 43,3 %.


Une bascule d’autant plus inquiétante qu’elle ne touche pas seulement les départements historiquement fragiles, mais aussi des territoires jusqu’ici considérés comme robustes.




Cette publication s’inscrit dans un contexte de pressions croissantes sur les finances publiques, avec la volonté affichée du Gouvernement de faire contribuer les collectivités au redressement budgétaire de l’État avec un objectif total affiché de 40 milliards d’euros. La loi de finances 2025 prévoit d’ailleurs une série de gels ou de baisses de dotations nationales. Mais à quel prix, et sur quelles bases ? La fin d’un modèle ?


Quand l’État se désengage sans reconfigurer les recettes Il semble nécessaire de rappeler ici un point fondamental : les solidarités n’entraient pas de le champ de compétences originelles des départements. Leur vocation historique est d’ordre administratif et territorial.


Mais, au fil des décennies, ils ont vu leurs missions s’orienter vers l’action sociale, sans que les leviers de financement suivent. Aujourd’hui, les prestations sociales (enfance, handicap, grand âge) représentent près de 60 % des charges de fonctionnement d’un département type.


Or, ces dépenses sont non pilotables, à la fois en volume (nombre de bénéficiaires) et budgétairement, avec des revalorisations décidées au niveau national.


Ces dépenses non pilotables combinées à des recettes en berne crée un effet ciseau particulièrement dévastateur pour les départements.


Comme le souligne la Cour des comptes, « il est peu rationnel que des recettes aussi cycliques et volatiles que les DMTO financent des dépenses aussi rigides que les dépenses sociales ».


L’alerte est claire. Elle est même répétée. Mais, à ce jour, aucune réforme structurelle n’est engagée. Des chiffres qui inquiètent... et une majorité silencieuse qui s’essouffle.


Quelques chiffres suffisent à prendre la mesure du décrochage :

  • 35 départements ont une épargne brute sous le seuil d’alerte (7 % des produits de fonctionnement).

  • 12 départements présentent une épargne nette négative.

  • 15 départements ont besoin de plus de 10 années d’épargne brute pour rembourser leur dette.


Ces dépenses non pilotables combinées à des recettes en berne crée un effet ciseau particulièrement dévastateur pour les départements.

Certes, tous ne sont pas logés à la même enseigne. Certains, bien dotés en bases fiscales, ou dotés d’une croissance démographique faible, tiennent mieux. Mais que faire des départements ruraux, ultramarins, ou à forte pression sociale ? Faut-il les laisser s’effondrer en silence ? Ou bien reconnaître que la "répartition des compétences" n’a plus rien de soutenable ?


Vers une recentralisation par l’asphyxie ? Ce qui se joue ici, en réalité, dépasse les seuls comptes. Il s’agit d’un bras de fer silencieux entre l’État et les territoires. D’un côté, l’État délègue, transfère, exige. De l’autre, les départements exécutent, sans pouvoir fiscal, avec une marge de manœuvre de plus en plus réduite. À ce rythme, la décentralisation devient un mot creux, vidé de sa substance. L’horizon à court terme, si rien ne change, est la mise sous tutelle rampante des collectivités.


Et l’ironie est cruelle : alors même que les départements sont interdits de déficit, qu’ils ne peuvent emprunter pour leurs dépenses de fonctionnement, qu’ils ont continué à investir massivement pendant les crises, l’Etat leur demande de "participer à l’effort national", alors qu’ils sont déjà structurellement exsangues.


Et maintenant ? Un appel à une réforme courageuse et transparente


Le rapport de la Cour des Comptes appelle, en creux, à une refonte du financement départemental. Un réexamen complet du couple dépenses/recettes. Non pas en supprimant des missions, mais en leur donnant des ressources en cohérence avec leur contenu. Cela suppose :

  • Une remise à plat du système de péréquation.

  • Un rééquilibrage entre dotations étatiques et fiscalité locale.

  • Et peut-être, un jour, la création d’un nouvel impôt départemental stable et affecté, en lien avec les besoins sociaux réels du territoire.


Il est temps d’ouvrir ce débat. Autrement, ce sont les solidarités humaines – à commencer par le grand âge, le handicap et la protection de l’enfance – qui seront les premières victimes


Le temps du surplace est terminé La situation des départements ne relève plus du débat technocratique. Elle est devenue une question politique, démocratique, territoriale. À force de détricoter, morceau par morceau, l’architecture fiscale des collectivités, on a fini par affaiblir leur autonomie.


Aujourd’hui, c’est leur capacité à agir qui vacille.


Les départements ont longtemps été les "parents pauvres" de la République décentralisée. Ils risquent désormais d’en devenir les victimes silencieuses. Il est temps de choisir : soit on leur donne les moyens d’assumer leurs missions, soit on change radicalement le modèle.


Mais l’entre-deux, lui, est mortifère, voire mortel. Face à cela, les départements n’ont pour ainsi dire plus d’autonomie financière et fiscale à l’image de la disparition progressive des impôts locaux au profit de dotations de TVA ou de parts d’impôts nationaux, décidées par l’État et sans dynamique locale.


De même, La suppression de la taxe foncière départementale, notamment, a privé les conseils départementaux de leur dernier levier fiscal réel. Et la chute brutale des DMTO (-33 % en deux ans) n’a été compensée ni par l’État, ni par des mécanismes de péréquation efficaces.


D’un côté, l’État délègue, transfère, exige. De l’autre, les départements exécutent, sans pouvoir fiscal, avec une marge de manœuvre de plus en plus réduite. À ce rythme, la décentralisation devient un mot creux




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