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Interview de Sylvie Jéhanno, Présidente Directrice Générale de Dalkia

  • La rédaction
  • 3 sept.
  • 7 min de lecture

JDD - Septembre 2025



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Sylvie Jéhanno, Présidente Directrice Générale de Dalkia


Sylvie Jéhanno, vous êtes Présidente Directrice Générale de Dalkia depuis janvier 2018. Pouvez-vous présenter les grandes lignes de votre parcours et vos engagements, jusqu’à votre arrivée à la tête de cette filiale d’EDF, forte de 

23 000 collaborateurs ?  

 

J’ai grandi et fait ma scolarité dans la Marne, à Vitry-le-François. Après le lycée, mes professeurs m’ont encouragée à faire une classe préparatoire scientifique, à Reims, puis je suis entrée à l’école polytechnique. Je leur dois beaucoup. C’est grâce à eux que je me suis engagée dans la voie scientifique. 

Je suis ensuite entrée dans le groupe EDF. J’ai commencé dans la branche exploitation où j’encadrais des techniciens de réseaux de gaz. Ce que je voulais, c’était animer des équipes, les orienter vers un objectif, transformer les méthodes de travail, améliorer les performances… Cela m’a beaucoup plu. 

Après cette expérience de management, j’ai participé à constituer les premiers centres d’appels. A l’époque, chaque centre ou agence EDF avait son propre numéro de téléphone.

En 1996, les premiers numéros type « 0 800 » sont apparus, c’était une véritable innovation. Nous avons pu commencer à travailler autrement l’accueil téléphonique entre EDF et ses clients. Cela a aussi marqué mon parcours. 

J’aime transformer et j’aime les nouveaux challenges. C’est aussi ce que j’ai fait en 1999, lors de la révolution – impulsée par l’Europe – de l’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence, avant de prendre la tête de la direction des clients particuliers. J’ai engagé la transformation digitale et numérique de cette organisation qui gère 25 millions de clients et compte 6 000 conseillers. Cela a été une aventure incroyable durant laquelle, avec mes équipes, nous avons aussi positionné EDF sur le marché des objets connectés. A la fin de cette période, le groupe est redevenu numéro 1 de la relation clients en France. 


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Après ces beaux challenges, début 2017, j’ai été nommée DG puis très vite PDG de Dalkia, filiale rachetée par EDF en 2014. 

Très vite, mon objectif a été de positionner Dalkia comme un champion de la décarbonation avec, d’une part, le développement des énergies renouvelables locales, et d’autre part la recherche d’efficacité énergétique dans les bâtiments que nous exploitons, comme les piscines, les hôpitaux, les sites industriels. Notre mission, c’est de permettre à nos clients de « consommer moins » et de « consommer mieux », c’est-à-dire bas carbone. Pour Dalkia, les énergies du local comprennent à la fois des énergies renouvelables comme la géothermie, la thalassothermie, les résidus forestiers du bois, et des énergies de récupération (comme la chaleur fatale).

En moins de dix ans, nous avons doublé de taille, nous sommes passés de 3 à 6 milliards d’euros de chiffres d’affaires, et de 13 000 à 23 000 salariés. Nous nous sommes développés à l’international, en particulier en Angleterre avec 6 000 salariés, mais aussi en Pologne, au Moyen-Orient et aux Etats-Unis.


Dalkia a fait de la lutte contre le changement climatique sa raison d’être, en aidant ses clients à consommer moins et à consommer bas carbone. Comme cette ambition se traduit-elle sur le terrain avec les collectivités territoriales, et en particulier avec les départements ?


Comme les collectivités locales en général, les départements portent une vision très ambitieuse en matière de décarbonation. Ce sont eux qui, sur le terrain, font en sorte de chasser le CO2 en développant les énergies bas carbone et les économies d’énergie. Avec un triple objectif : maîtriser leurs factures, réduire leur dépendance aux énergies fossiles comme le gaz, et bien sûr réduire leurs émissions de CO2. Je vais vous donner deux exemples. Tout d’abord avec le Conseil départemental de l’Hérault sur un très beau projet de géothermie de surface qui propose un modèle économique efficace. Nous allons chercher à 160 mètres les calories du sol avec des pompes à chaleur géothermiques très spécifiques : des pompes à chaleur « eau-eau », c’est-à-dire impliquant un circuit d’eau à l’amont et un circuit d’eau à l’aval. Ce système permet à la fois le chauffage du bâtiment l’hiver et le rafraîchissement l’été. 


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Ces différents usages permettent de trouver un équilibre économique. Sur ce projet, nous atteignons quasiment le 100 % bas-carbone, grâce aussi à l’électricité produite par EDF. 

Autre exemple : la décarbonation des collèges d’Indre-et-Loire menée avec le Conseil départemental. Nous avons transformé plus de trente chaufferies, et nous avons connecté une cinquantaine de bâtiments pour avoir une gestion centralisée et intelligente des consommation d’énergie. Cela nous permet de piloter l’ensemble à distance pour éviter, par exemple, les consommations inutiles le mercredi ou pendant les vacances scolaires. C’est un projet au long cours avec une période de travaux qui s’étale sur deux à trois ans puis un pilotage numérique et sur mesure qui permet de dégager des économies significatives. L’objectif était de réduire la consommation de 35 % sur quatre ans. Nous avons atteint cet objectif et sommes même allés plus loin en sensibilisant les collégiens à la sobriété énergétique. 


Précisément, vous faites du lien entre l’école et l’entreprise une priorité. Quelles solutions le groupe Dalkia a-t-il mis en place pour favoriser ce lien si important ?


Vous savez, la transition énergétique est en grande partie une question de comportements individuels, et ça s’apprend ! Le fait de parler de sobriété et d’énergies renouvelables aux élèves permet de présenter à ces jeunes les études et les diplômes qui feront d’eux les femmes et les hommes de la transition énergétique de demain. Chez Dalkia, nous avons en permanence 1 000 apprentis sur un total de 23 000 salariés. Le lien école-entreprise est fondamental. Cette prise de conscience se joue très tôt et la transition ne peut pas s’arrêter faute de combattants. Nous venons ainsi de créer une plateforme pour permettre à nos techniciens de se porter volontaires pour aller présenter leur métier dans les écoles, collèges et lycées. Cela crée de la motivation et de l’engagement interne, et montre les valeurs que porte Dalkia. Cela fidélise nos salariés et, en même temps, cela crée des vocations. Je crois beaucoup en la transmission.


Parmi les piliers de votre action, la question de la réindustrialisation est majeure. Elle l’est tout autant pour les élus locaux dans une perspective d’emplois et d’attractivité. Comment Dalkia travaille localement à cette réindustrialisation, et pouvez-vous nous donner quelques exemples ?


J’affirme haut et fort qu’on peut se décarboner en accroissant sa compétitivité et en étant un acteur de la souveraineté énergétique de la France ! Les 2/3 de la chaleur en France sont encore produits à partir de gaz et de fioul, en particulier dans l’industrie puisqu’il faut souvent monter en température dans les process. Nous devons nous adapter en faisant du sur-mesure. Voici quelques exemples parlants : Dalkia va décarboner le grand site de Safran à Villaroche.


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On peut se décarboner en accroissant sa compétitivité et en étant un acteur de la souveraineté énergétique de la France !

avec de la géothermie profonde ; à Oloron-Sainte-Marie, nous allons utiliser la chaleur du réseau bas-carbone pour alimenter une usine de Lindt et une de Safran ; nous sommes en train de faire des recherches de pompe à chaleur très haute température pour décarboner un papetier dans l’Aisne ; nous menons un projet de chaudière calorifique à Lannemezan pour Arkema avec des chaudières « combustibles solides de récupération » (CSR) qui sont les déchets non valorisables en sortie de chaîne de recyclage… 

À cela s’ajoute, chez Dalkia, de l’innovation pour plus d’efficacité énergétique, essentielle pour la compétitivité de nos clients. Pour nous, efficacité énergétique veut dire pilotage, matériel plus efficient, solutions numériques, modèle d’intelligence artificielle, etc. Nous créons, nous connectons, nous pilotons avec la meilleure énergie, la plus bas-carbone, la moins chère, au meilleur moment, et ce pour l’ensemble de nos clients, qu’ils soient industriels, entreprises ou collectivités locales.


La question de l’égalité entre femmes et hommes est au cœur de votre engagement. Comment cela se traduit-il ? 


Aujourd’hui, les jeunes filles représentent moins de 30 % des élèves dans les écoles d’ingénieurs et nous ne comptons que 3 à 10 % de femmes dans nos métiers de techniciens. 

La féminisation de Dalkia est un combat que je porte pour leur donner envie de s’engager dans des métiers passionnants et porteurs de sens. J’ai fixé des objectifs de recrutement. Et c’est aussi tout l’enjeu du prix que j’ai créé à mon arrivée chez Dalkia, 

« Women’s Energy in Transition », qui permet de récompenser des femmes pour leur parcours, avec un accompagnement financier.

Nous avons franchi le cap des 100 lauréates cette année ! Autant de rôles modèles pour montrer que faire carrière dans des métiers techniques lorsqu’on est une femme, c’est possible. 


Qu’est-ce qui vous motive chaque matin ?


C’est une fierté d’œuvrer pour accélérer la transition énergétique. Chaque fois que j’inaugure un projet, je vois des clients heureux de démontrer que la décarbonation se fait dans les départements, dans les collectivités, partout dans les territoires. C’est du concret ! Ça se fait et ça se réalise, malgré tout ce que l’on entend. 

J’ai par ailleurs la chance de manager une entreprise qui est en croissance, qui innove dans cette transition, sous l’impulsion de nos clients. On n’a pas fini d’élargir le champ des technologies, de trouver de nouvelles solutions, de les améliorer grâce à l’intelligence artificielle, et donc de transformer encore. Je veux porter ce message d’optimisme : nous avons toutes les clés en main pour lutter, ensemble, contre le dérèglement climatique.  


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Tout a commencé dans l’Aisne… 


L’histoire de Dalkia commence en 1937 dans l’Aisne. Un soir d’hiver, les chaudières de l’hôpital de Villiers-Saint-Denis tombent en panne. Une entreprise locale, dirigée par Léon Dewailly, est appelée à la rescousse. Le dépannage est si rapide et efficace que le directeur de l’hôpital lui demande d’assurer l’exploitation et la maintenance de son installation, afin de garantir une température pertinente tout au long de l’année.


Le premier contrat de performance énergétique est né et, par la-même, le modèle de Dalkia. L’hôpital de Villiers-Saint-Denis est toujours client de l’entreprise. Comme le souligne Sylvie Jéhanno : « Par son histoire, la proximité et l’ancrage territorial sont inscrits dans l’ADN de Dalkia. » 

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