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L’Oeil de l’expert

  • La rédaction
  • 3 sept.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 oct.

JDD - Octobre 2025

Bernard de Froment, Ancien député et président du conseil départemental de la Creuse, avocat spécialisé en droit public associé du cabinet publica-avocats
Bernard de Froment, Ancien député et président du conseil départemental de la Creuse, avocat spécialisé en droit public associé du cabinet publica-avocats


Modifier le droit pour rétablir l’Etat de droit


Depuis la condamnation à 5 ans d’emprisonnement1, assortie de l’exécution provisoire et de la mise sous mandat de dépôt, de Nicolas Sarkozy, les commentaires abondent.


J’ose ajouter le mien, non pas tant pour critiquer le motif hautement contestable retenu par les premiers juges, à savoir l’incrimination floue et non démontrée d’« association de malfaiteurs »2, mais pour me poser la question des conséquences que pourrait avoir la rétroaction de la condamnation sur la validité des décisions prises par l’ancien chef de l’Etat durant ses 5 années de président de la République.


En droit, dans le contentieux de l’excès de pouvoir, l’annulation d’une décision administrative a pour effet de rendre illégaux, non seulement l’acte qui était attaqué, mais toutes les décisions prises sur son fondement.


Bien sûr cette règle souffre-t-elle de quelques exceptions et l’annulation d’une élection ou d’une nomination n’a-t-elle pas pour effet, l’invalidation de toute décision ou délibération prise ou à laquelle aurait participé l’élu ou l’autorité administrative déchu.


Mais, s’agissant du Président de la République et des pouvoirs énormes dont il dispose, sa condamnation pour « indignité », (car comment qualifier autrement une condamnation pour « association de malfaiteurs »), ne disqualifierait-elle pas rétroactivement tous les actes accomplis par un chef de l’Etat parvenu au pouvoir par fraude ?

Je ne doute pas, dès lors, que les contempteurs de Nicolas Sarkozy ne manqueront pas de remettre en cause, peut-être même devant la justice, la validité des actes et décisions prises par notre ancien président durant son mandat.


« La décision du 26 septembre 2025 porte un coup très dur à l’image de la classe politique et à la confiance que les Français se font de la justice et de l’Etat de droit. »

Ce qui est sûr, en tout état de cause, c’est que la décision du 26 septembre 2025 des trois juges de la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris porte un coup très dur, d’une part, à l’image de la classe politique, et d’autre part, à la confiance que les Français se font de la justice et de l’Etat de droit.


En opportunité, à une époque où la tentation populiste ne cesse de progresser dans l’opinion, ce jugement, qui vient après celui qui a frappé il y a quelques mois Marine Le Pen, n’est pas une bonne nouvelle pour la démocratie.


Certains commentateurs, tout en étant critiques sur le prononcé de l’exécution provisoire et sur la mise sous mandat de dépôt de l’ancien Président, se refusent à incriminer les magistrats qui n’auraient fait qu’appliquer le droit voté par le législateur.

Ce n’est pas mon opinion, dans la mesure où l’exécution provisoire, nonobstant appel, ne s’applique en matière pénale que dans des circonstances exceptionnelles (risque de récidive ou de soustraction à la justice), mais quand bien même ! 

Quoi qu’il en soit, les parlementaires seraient bien inspirés, s’ils prenaient l’initiative de modifier le droit, afin de rétablir l’Etat de droit.


1 La durée de 5 ans ne semble pas avoir été choisie par hasard. C’est en effet le temps que Nicolas Sarkozy a passé à l’Elysée !


2 On rappellera qu’appliquant le programme de la gauche tendant à supprimer certaines « lois liberticides Robert Badinter, alors Garde des Sceaux avait fait voter la loi du 10 juin 1983, supprimant purement et simplement le délit d'association de malfaiteurs. Toutes les personnes inculpées pour ce motif (notamment concernant le banditisme corse) avaient, alors, fait l'objet d'ordonnances de non-lieu, faute d'élément légal de l'infraction.




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