L’Oeil de l’expert
- La rédaction
- 3 sept.
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Dernière mise à jour : 6 oct.
Mesurer l’impact économique des stratégies d’attractivité

L’évaluation des résultats obtenus par les stratégies d’attractivité est forcément complexe et multifactorielle. Elle est aussi parfois envisagée de manière subjective, se fondant plus sur des impressions que sur des faits. Mais il semble possible d’amener à nos réflexions des éléments quantitatifs indispensables, des chiffres, notamment en termes économiques.
Il y a quelques temps, le site Laou* publiait les résultats d’une collaboration avec Olivier Portier, consultant en analyse territoriale et créateur, et pilote, de l’Observatoire des impacts territoriaux des crises
(OITC), afin d’envisager comment mesurer l’impact économique d’arrivées de nouveaux venus sur un territoire. En somme, de quoi sortir de l’évaluation subjective, souvent au « doigt mouillé », pour tenter d’avoir à sa disposition des données quantitatives sérieuses, solidifiant ainsi la mesure des résultats des stratégies d’attractivité. Nous avons interrogé Olivier Portier sur cette initiative.
La question de l’évaluation des actions de marketing territorial semble être souvent mise de côté par les collectivités, se contenant parfois de mesurer des résultats de campagnes de communication.
Olivier Portier : Globalement, en France, on n’est pas très bon sur la question de l’évaluation des politiques publiques ; ce n’est pas dans notre culture. Et puis on confond largement la notion « d’évaluation » avec la notion de « jugement ». Face à un excès de mobilisation de mantras, amener des chiffres est un bel enjeu, à la fois pour déconstruire des croyances et à la fois pour apporter des éléments de quantifications.
Dans l’article de Laou, cité en introduction, apparaissent des chiffres : avec 50 familles qui arrivent sur un territoire, on peut estimer à 1,6 millions d’euros les sommes dépensées par ces nouveaux venus sur le territoire qui les accueille. Est-ce à lire comme une moyenne nationale ?
OP : Non surtout pas. Il s’agit en l’occurrence d’un calcul effectué sur un territoire particulier - ici il s’agit de la Meuse - en fonction des données récoltées par Laou avec le territoire et des données publiques que je peux moi-même rechercher. Ce chiffre est donc seulement celui du territoire concerné.
Nous avons d’ailleurs fait ce calcul pour d’autres. Par exemple, pour les Vosges, le total de 1,6 M€ est atteint avec seulement 35 familles. Pour compléter la présentation de notre méthodologie, sachez également qu’elle se fonde sur la « théorie de la base » de Laurent Davezies qui stipule, entre autre, que l'économie locale est alimentée par des revenus extérieurs et pas seulement par la seule production locale.

L’effet économique de ces arrivées est certainement plus complexe que la seule comptabilisation des revenus ou des dépenses des nouveaux venus ?
OP : On doit avoir en tête trois effets principaux. Tout d’abord les effets directs : les revenus de ces nouveaux arrivants qui vont bénéficier, notamment, aux collectivités.
Il y a ensuite les effets indirects : il s’agit de la consommation locale de ces nouveaux venus. En somme, la redistribution de la richesse. Et il y a enfin les effets induits : ces nouvelles nouvelles consommations locales vont avoir des conséquences pour, par exemple, les commerçants. Ces derniers, d’une part, vont voir augmenter leur propre richesse et, d’autre part, pour répondre à ce flux supplémentaire, vont peut-être créer des emplois.
Et si ces emplois sont mis à disposition de demandeurs d’emplois locaux, l’impact de ces bénéfices devient de plus en plus large. Mais on peut également penser à la « consommation » culturelle ou associative : là encore ces arrivées vont générer des surplus de fréquentations, d’inscriptions, d’activités, etc. donc des apports
de nouvelles ressources pour beaucoup d’acteurs locaux.
Ceci peut-il se vérifier pour tous les territoires ?
OP : Ces éléments sont à utiliser avec précaution et suivant la nature des territoires. En effet la consommation locale n’est pas toujours en lien avec l’endroit où l’on habite. Les grandes villes sont souvent d’importants pôles de consommation, y compris pour celles et ceux qui vivent ailleurs. Mais cette richesse est souvent redistribuée au-delà des limites des métropoles ou des grands centres urbains.
L’aspect positif, c’est d’y déceler les raisons de la collaboration entre territoires de toutes tailles. Monter des bastions défensifs contre la métropolisation n’est certainement pas la bonne solution. Il convient de réfléchir en termes de flux, en termes de mécanismes de circulation des richesses et de penser nos territoires comme autant de systèmes interdépendants les uns des autres.



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