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Marketing touristique : vivement la logique coopérative !

  • La rédaction
  • 9 juil.
  • 4 min de lecture

Juin 2025


 Marc Thébault, Consultant auprès des collectivités locales en Attractivité et Communication
Marc Thébault, Consultant auprès des collectivités locales en Attractivité et Communication

Dans le magazine Brief de mai 2015, un article consacré à la notion de « territoire pertinent » notait : « Pour Joël Gayet* [...] un territoire pertinent pour l’attractivité réunit au moins trois conditions. D’abord une notoriété suffisante [...] Ensuite, un minimum de sentiment d’appartenance cohérent [...] Enfin, les attentes des clients (des cibles visées) doivent lui correspondre. ». Pour faire un focus sur le secteur du tourisme, rencontre avec Jean Pinard, expert du sujet**.



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Jean Pinard, vous insistez souvent sur la différence entre « territoire » et « destination ».


Jean Pinard : Le territoire, c’est le périmètre administratif, avec un découpage qui date pour certains (les départements) de Napoléon ! Il a une vocation politique et organise la vie quotidienne des habitants. La destination, c’est une interprétation plus en phase avec les enjeux du tourisme : elle renvoie à une vocation qu’auraient des espaces à « naturellement » attirer des touristes.


En quoi cette confusion est-elle problématique ?


JP : D’abord, les touristes recherchent des destinations, souvent liées à des noms naturels. Il faut accepter que certains territoires n’aient pas d’évocation touristique : par exemple la « Gironde » a moins d’évocation que « la côte landaise » ; on ne vient pas dans les « Bouches-du-Rhône » mais en « Provence ». Un nom administratif ne fait pas une marque de destination ! L’autre sujet c’est d’avoir une vision plus rationnelle sur le sujet du marketing touristique : la concurrence entre destinations (« ici, c’est mieux que là-bas ») commence à coûter très cher, à l’heure où on recherche des milliards. De ce point de vue, la Bretagne a une approche intéressante avec les départements en appelant à cultiver le « sentiment géographique ». De tout cela découle une organisation du tourisme français trop calquée sur le découpage administratif et non sur des destinations pertinentes et parlantes pour des touristes.


Certaines régions ou certains départements l’ont saisi en utilisant un nom historique pour leur attractivité.


JP : Bien sûr, mais c’est l’exception. Le Maine-et-Loire se présente comme « Anjou » et, de son côté, et malgré sa disparition administrative, l’Alsace continue de miser sur son nom pour sa promotion touristique. Cela semble logique mais il ne s’agit que d’une poignée de « rebelles » !


Un changement radical de point de vue doit-il intervenir ?


JP : Bien sûr. Tant que l’on reste sur une logique purement politique, fondée seulement sur le fait de financer, donc d’avoir  « le droit » de nommer à ses couleurs sa promotion touristique, on n’avancera pas.

Si je prends l’exemple de l’Aubrac, on peut compter pas moins de quinze structures qui utilisent ce nom, qu’il s’agisse d’offices de tourisme ou de comités départementaux ou régionaux.


Et, parfois, en ne disant pas exactement la même chose sur cette destination ! Imaginez ce qu’apporterait une réelle mutualisation, à la fois en termes d’impact, de clarté et à la fois en termes d’économies ! La question n’est pas de savoir « qui fait » mais « comment faire mieux ensemble avec de moins en moins d’argent public ». J’habite dans le Puy-de-Dôme, le Conseil départemental en a supprimé le CDT parce que le Président a considéré que l’image du Puy-de-Dôme (les volcans) et celle de l’Auvergne se superposait !


« Tant que l’on reste sur une logique purement politique, fondée seulement sur le fait de financer, donc d’avoir “le droit” de nommer à ses couleurs sa promotion touristique, on n’avancera pas. […] La question n’est pas de savoir “qui fait” mais “comment faire mieux ensemble avec de moins en moins d’argent public”. »

De quoi être aussi plus en lien avec les centres d’intérêts des touristes ?


JP : Certainement. D’ailleurs, le secteur du tourisme n’est pas forcément à la pointe en ce qui concerne l’analyse des attentes ou des recherches effectuées sur le web. Quand on demande aux visiteurs des destinations infra départementales du Cantal où ils sont allés en vacances, près de 98 % citent « Cantal » et seulement 2 % évoquent un nom plus local. Il y a des marques de destination fortes, à la notoriété indiscutable, ce sont celles-ci qui sont à identifier et à privilégier.


Faut-il réformer par la loi ?


JP : En tous les cas, il faut se rappeler que l’organisation actuelle date de 1992. Alors, oui, il y a certainement à penser un nouveau cadre juridique (que je nommerais volontiers « la loi VOTRE »), qui permette aux acteurs publics d’être libres de redessiner leur périmètre touristique, d’accéder à un financement et une gouvernance plus paritaire (et avec des acteurs privés), l’ensemble soumis à des critères, notamment en termes de coopérations effectives. De manière assez étonnante le modèle coopératif ne fait pas recette dans la gouvernance des organismes de gestion de destination, à l’inverse du monde agricole. Peut-être que la piste c’est de rapprocher tous les acteurs qui portent l’identité d’un territoire dans une même structure. Je crois bien plus aux « agences identitaires » qui porteraient des logiques identitaires de territoires, de terroir et de de tourisme que dans les agences d’attractivité.


* Joël Gayet est considéré comme un précurseur dans le marketing territorial. Il a publié en 2017 un ouvrage de référence, « Le nouveau marketing territorial ».


** Originaire de Besançon, Jean Pinard est forestier et géographe de formation et titulaire d’un diplôme de 3eme Cycle en analyse prospective des sports et des loisirs obtenus à l’université d’Orsay. Il a effectué toute sa carrière dans le secteur du tourisme en débutant sur la côte Aquitaine. Il prend ensuite la direction de l’ADT du Puy de Dôme, puis du Comité Régional de Développement Touristique Auvergne, avant de créer Futourism, cabinet conseil spécialisé en attractivité touristique et territoriale. Il est actuellement directeur général du CRTL Occitanie.


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